Zara ou le succès de la mode à la demande

Nombreux sont les détaillants américains de prêt-à-porter qui étouffent sous le poids de stocks d’invendus, les clients étant stoppés dans leur élan de consommation. Ce n’est pas le cas du groupe espagnol Inditex, qui est en pleine forme, et dont la marque phare, Zara, a lancé la mode chic à petits prix. Représentant 13,8 milliards de dollars, la société pourrait bien voler à Gap le titre de plus grand distributeur de vêtements au monde. Elle a quadruplé ses ventes, ses bénéfices et son nombre de magasins depuis l’an 2000. Rien que ça ! Cette année encore, la société Inditex a l’intention d’ouvrir 640 nouvelles enseignes. « Le groupe résistera bien mieux à la crise que la plupart de ses concurrents », estime Michael Lewis, professeur en régulation de l’offre au sein de la School of Management de l’université de Bath.

Son secret ? En plus de vendre des articles très abordables-ce qui correspond aux attentes du marché de notre époque-, l’entreprise tient d’une main de fer tous les intervenants de son modèle commercial. Elle est ainsi capable de faire qu’un motif sur un carnet de dessin se retrouve en moins de deux semaines sur des vêtements en rayon. Cette mode ultraréactive aux micro-tendances est devenue un exemple à suivre pour d’autres marques de vêtements, comme Forever 21 de Los Angeles, l’espagnol Mango et le britannique Topshop, qui devrait d’ailleurs s’inviter à New York l’année prochaine.

Inditex a passé plus de trois décennies à perfectionner sa stratégie, ignorant en chemin presque toutes les règles de l’industrie du textile. Dans la plupart des sociétés d’habillement, la chaîne d’approvisionnement commence avec le travail des stylistes, qui dessinent les collections presque un an à l’avance. Chez Inditex, les managers de chaque magasin Zara observent ce qui se vend quotidiennement. Et avec des commissions de l’ordre de 70 %de leur salaire, ils sont évidemment très stimulés. Ils enregistrent les comportements d’achat, les tendances qui marchent, les articles que les clients recherchent mais ne trouvent pas, puis envoient directement leurs conclusions aux 300 stylistes d’Inditex qui s’efforcent d’immédiatement satisfaire aux demandes du marché.

De plus gros salaires à l’usine

En général, les marques de prêt- à-porter sous-traitent le plus gros de la production en Asie pour des coûts très bas. La moitié de la production d’Inditex est encore fabriquée dans des usines en Espagne, au Portugal et au Maroc, conservant ainsi en interne la production des articles les plus tendanc. Les basiques comme les tee-shirts sont achetés en Afrique, en Asie ou dans les pays de l’Est.

Les salaires sont plus élevés chez Inditex. En Espagne, les ouvriers touchent autour de 1 650 dollars par mois, contre 206 dollars dans la province chinoise de Guandong. En revanche, la société réalise des économies de temps et d’argent sur le poste de l’acheminement. Les usines d’Inditex utilisent des systèmes de production à flux tendu codéveloppés avec les experts en logistique de Toyota Motor, qui dotent la société d’un niveau de contrôle tout à fait inenvisageable si elle était entièrement dépendante de tiers.

En outre, le groupe Inditex approvisionne l’intégralité de ses points de vente depuis des entrepôts en Espagne. Il parvient même à réassortir ses magasins européens en vingt-quatre heures, et ceux d’Amérique et d’Asie en quarante-huit heures grâce à l’utilisation de lignes aériennes commerciales.

Impression d’exclusivité

Certes, utiliser la voie aérienne coûte plus cher que transporter de grandes quantités de vêtements sur des cargos. Mais Inditex peut se le permettre. La société renouvelle en permanence ses collections en envoyant des petites quantités d’articles, ce qui crée une impression d’exclusivité incitant les clients à revenir fréquemment et limitant le besoin de réassort. En conséquence, la chaîne n’est jamais contrainte, comme ses concurrents, de brader sa marchandise à 50 % pour déstocker massivement des articles de la saison précédente. La chaîne étant à l’écoute de ses clients et réactive par rapport aux nouvelles tendances du marché, elle peut se permettre, en plus, de vendre ses articles plus cher que Gap par exemple. « En reproduisant ce qui est déjà à la mode, vous minimisez le risque de “flop” », fait remarquer José Luis Nueno, professeur de marketing à la IESE Business School de Barcelone.

Les concurrents qui aimeraient imiter les résultats d’Inditex feraient bien de retenir ce conseil de Luca Solca, analyste chez Sanford C. Bernstein : ne pas suivre le modèle Zara à moitié. « La stratégie Inditex est une offre de type tout ou rien, et doit être appliquée dans son intégralité pour en produire des bénéfices. »

 

José Luis Nueno opinion citation in Kerry Capell’s article published in Le Point, October 16th, 2008

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